Le jeûne, un avenir dans la médecine moderne ?
Quelques siècles avant Jésus Christ, le jeûne était déjà préconisé par Hippocrate, le père de la médecine moderne qui disait : « Quand le corps est chargé d’humeurs impures, faites-lui supporter la faim : elle dessèche et purifie ».
On redécouvre aujourd’hui scientifiquement, l’intérêt de faire usage du jeûne dans la prévention et le traitement de nombreuses pathologies du monde moderne : hypertension, surpoids, sclérose en plaques, diabète, maladies cardiovasculaires, maladies auto-immunes, cancers etc…
Des expérimentation médicales
Des cliniques en Allemagne, Suisse et en Russie se sont spécialisées dans le jeûne thérapeutique pour traiter plusieurs de ces maux.
Dans ces pays, se sont développés des centres spécialisés qui accueillent chaque année un nombre important de jeûneurs. C’est le cas de la très réputée clinique Buchinger dont l’antenne principale se trouve en Allemagne sur les bords du Lac de Constance. Cet établissement reçoit chaque année plusieurs milliers de personnes qui viennent pour passer un séjour de jeûne pouvant s’étendre de 5 à 21 jours.
C’est dans cette clinique qu’a eu lieu récemment la plus grand étude, en termes de participants (1),qui atteste des effets du jeûne sur l’organisme humain. Dans cette étude, le jeûne hydrique de type Buchinger (aucun aliment solide, un apport maximal de 300 calories via des jus de légumes dilués à l’eau ou des bouillons clairs) a eu pour effet d’entrainer une perte de poids significative, de réduire le tour de taille des patients et de faire baisser les taux de cholestérol et de lipides sanguins des jeûneurs. Parmi les participants à cette étude, le jeûne a également amélioré 84 % des cas de maladies chroniques, telles que l’arthrite, le diabète de type 2, la stéatose, l’hypercholestérolémie ainsi que l’hypertension artérielle.
Les bienfaits du jeûne sur la santé
Les améliorations mesurables de l’état de santé des patients peuvent s’expliquer par l’activation d’un processus de régénération de la cellule communément appelé « autophagie » ou « autolyse », qui se produit dans le corps lors d’un jeûne.
L’autophagie consiste en une adaptation du corps pour résister à la privation de nourriture, indiquant à notre organisme de puiser dans ses tissus les plus lésés et endommagés, afin de sauvegarder les tissus sains et essentiels. Ainsi, le corps met en place une stratégie pour éliminer les toxines accumulées au fil des années. Le prix Nobel de médecine 2016 a d’ailleurs été attribué à Yoshinori Ohsumi pour ses travaux sur l’autophagie.
Le processus de détoxination à l’œuvre au cours d’un jeûne est un phénomène qui comporte des effets thérapeutiques prometteurs. En effet, dans les rangs de la science, sont sortis ces dernières années,dans la plus grande discrétion, de nouveaux articles scientifiques qui témoignent d’effets qui pourraient être considérés comme révolutionnaires. Une prestigieuse revue scientifique Américaine a récemment publié une étude californienne (2) qui stipule que le jeûne permettrait d’inverser le diabète de type 1 et 2, pathologies considérées, jusqu’à aujourd’hui, comme incurables par la médecine moderne. Plus précisément, le jeûne induirait la régénération des cellules bêta du pancréas, responsable de la création d’insuline, chez des souris diabétiques et des cellules pancréatiques humaines.
Ces découvertes s’ajoutent aux nombreuses autres études sur le jeûne dont celles menées par le Professeur californien Valter Longo, qui a montré dès 2008 que le jeûne protégeait les cellules saines de souris contre les effets toxiques d’une chimiothérapie (3). Ses recherches ont également démontré que le jeûne permettait d’activer la production de cellules souches, d’accroître la longévité (4) et de favoriser la régénération du microbiote intestinal (5).
Le jeûne à l’hôpital…
L’ensemble de ces découvertes au sujet du jeûne thérapeutique et de ses mécanismes inhérents, s’étoffe d’année en année. Malgré ces avancées scientifiques, encore très peu d’hôpitaux se consacrent à cette pratique. Une des exceptions se trouve à la périphérie de Berlin, il s’agit de l’hôpital Immanuel Albertinen Diakonie, lui-même rattaché à l’hôpital universitaire de La Charité. Depuis un peu plus d’une cinquantaine d’années, le jeûne selon la méthode Buchinger y a été intégré avec succès et est naturellement associé à la médecine conventionnelle. Un modèle unique de médecine intégrative qui se limite, pour le moment, au territoire allemand où il est d’ailleurs possible de jeûner sur ordonnance, une tendance qui pourrait prochainement s’exporter dans des pays voisins.
En France, le jeûne n’est pas encore reconnu médicalement et ne peut pas faire l’objet de prescription, et ce, malgré l’engouement qu’il suscite et les récentes découvertes scientifiques à son sujet. Pouvoir jeûner en milieu hospitalier permettrait d’offrir une assistance pour les personnes souffrant de maladie chronique et mettrait en valeur les bienfaits de cette thérapie ancestrale.
En Suisse, la situation est un peu plus avancée qu’en France. Le Docteur Mauro Frigeri, ancien chef de clinique en oncologie aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), mène actuellement, avec une équipe de chercheurs, une étude scientifique sur les effets métaboliques de la pratique du jeûne en collaboration avec un centre de jeûne préventif en Valais, le Centre Interlude Bien Être. Une avancée de plus vers l’augmentation de la documentation scientifique sur la thématique du jeûne.
Les principaux freins rencontrés aujourd’hui concernant l’utilisation du jeûne dans la médecine moderne sont le nombre d’études sur le sujet, encore considéré comme trop insuffisant par le monde médical. Cependant, le financement nécessaire pour la réalisation de ces études scientifiques provient aujourd’hui, très majoritairement de fonds privés. Or, le jeûne ne représentant pas d’intérêt financier pour l’industrie pharmaceutique, financer une étude sur ce thème est aujourd’hui très difficile. De plus, la nature même de la méthode de validation scientifique, reposant principalement sur les études en double aveugle, est une logique qui est parfaitement adaptée au médicament, mais pas aux pratiques de santé telles que l’activité physique ou le jeûne. S’ajoute à cela, la philosophie du jeûne qui va à l’encontre des diktats actuels de la société de consommation.
Toutefois, il est indéniable que nous assistons aujourd’hui à une prise de conscience collective sur les pouvoirs naturels d’auto-guérison du corps et un véritable engouement a lieu, autour du jeûne thérapeutique. Les résultats prometteurs des dernières études scientifiques commencent à attirer l’attention du monde scientifique et médical. De nouvelles perspectives sont aujourd’hui permises concernant le traitement de nombreuses maladies. Les découvertes actuelles au sujet du jeûne pourraient bien apporter des solutions concrètes concernant notamment le traitement des maladies dites de civilisation. Une révolution silencieuse est en cours au sein du monde médical qui pourrait bien dans les prochaines années, intégrer le jeûne dans ses rangs,si tenté qu’on lui redonne ses lettres de noblesse.
Sources :
1 – De Toledo, F. W., Grundler, F., Bergouignan, A., Drinda, S., & Michalsen, A. (2019). Safety, health improvement and well-being during a 4 to 21-day fasting period in an observational study including 1422 subjects. PLoS ONE, 14(1), 1–23. https://doi.org/ 10.1371/journal.pone.0209353
2 – Cheng, C. W., Villani, V., Buono, R., Wei, M., Kumar, S., Yilmaz, O. H., … Longo, V. D. (2017). Fasting-Mimicking Diet Promotes Ngn3-Driven β-Cell Regeneration to Reverse Diabetes. Cell, 168(5), 775–788.e12. https://doi.org/10.1016/j.cell.2017.01.040
3 – Raffaghello, L., Lee, C., Safdie, F. M., Wei, M., Madia, F., Bianchi, G., & Longo, V. D. (2008).Starvation-dependent differential stress resistance protects normal but not cancer cells against high-dose chemotherapy. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 105(24), 8215–8220. https://doi.org/10.1073/pnas.0708100105
4 – Brandhorst, S., Choi, I. Y., Wei, M., Cheng, C. W., Sedrakyan, S., Navarrete, G., … Longo, V. D. (2015). A Periodic Diet that Mimics Fasting Promotes Multi-System Regeneration, Enhanced Cognitive Performance, and Healthspan. Cell Metabolism, 22(1), 86–99. https://doi.org/10.1016/j.cmet.2015.05.012
5 – Rangan, P., Choi, I., Wei, M., Navarrete, G., Guen, E., Brandhorst, S., … Longo, V. D. (2019). Fasting-Mimicking Diet Modulates Microbiota and Promotes Intestinal Regeneration to Reduce Inflammatory Bowel Disease Pathology. Cell Reports, 26(10), 2704-2719.e6. https://doi.org/10.1016/j.celrep.2019.02.019
Un article rédigé par :
Lotin Benjamin
Physico-Thérapeute et diplômé d’un Master 2 en Nutrition, Activité Physique, Prévention, Education et Santé à l’université de Nice.
Fondateur du podcast « Evolution Talk »
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